Entre vigilance et stratégie énergétique
Info Dimanche a questionné l’environnementaliste et opposant reconnu aux projets gaziers et pétroliers dans la région, Mickaël Rioux, ainsi que la présidente directrice-générale de la Chambre de commerce de la MRC de Rivière-du-Loup, Claudette Migneault. Alors, ce retour du pipeline, viable, souhaitable ou chimère ?
Mikaël Rioux ne croit pas au retour d’un oléoduc reliant l’Ouest canadien au Québec pour rejoindre les Maritimes. Au-delà des considérations environnementales, il se dit convaincu de la non-viabilité du projet.
«Je n’ai pas trop d’inquiétudes. D’un point de vue moins émotif et plus rationnel, ces projets-là ne tiennent pas la route.» M. Rioux cite notamment les explications d’experts («voir le texte Qui va payer pour») qui remplacent ces chiffres dans un contexte économique.
Pragmatique, il fait siennes ces explications : investissements titanesques, absence de promoteur, volatilité du marché, constructions lourdes qui s’échelonneraient sur une décennie. «Émotivement, c’est inquiétant. On ne souhaite pas refaire la bataille, même si on était prêts à la refaire, mais je ne pense même pas qu’on doive se rendre là à nouveau.» Mikaël Rioux s’inquiète plutôt du manque de connaissances des répondants du sondage SOM quant à la complexité d’un projet d’infrastructure comme Énergie Est. «S’ils avaient toutes les informations en main, le sondage n’aurait pas donné les mêmes résultats», assure-t-il.
«Quels sont les avantages pour le Québec? «Les emplois? 91Porn fois le pipeline installé, TransCanada parlait de 33 postes pour toute la province!» Il déplore que l’économie prime encore sur l’environnement dans les priorités des Québécois. «C’est décevant», laisse-t-il tomber.
GNL Québec
Avec le conflit Ukraine-Russie, M. Rioux observe que l’Europe de l’Ouest s’est adaptée, réduisant considérablement sa dépendance au gaz russe qui transitait notamment par l’Ukraine. «Toute leur consommation s’est ajustée. Le marché, aujourd’hui, c’est l’Asie, et ça doit passer par la Colombie-Britannique.»
Avec l’agrandissement prochain du parc marin Saguenay–Saint-Laurent, il estime que la région se mettra à l’abri de l’implantation d’un port pétrolier ou d’un terminal gazier. Rappelons qu’à trois reprises, le port de mer de Gros-Cacouna a été ciblé pour accueillir un terminal méthanier ou pétrolier : une première fois au début des années 1980, puis au milieu des années 2000, et enfin un port pétrolier en 2013.
Ne comptez pas sur Mikaël Rioux pour s’asseoir sur ses lauriers. La vigie citoyenne se poursuit, assure-t-il, tout en glissant que sans promoteur et avec un milieu protégé, il n’y a tout simplement pas de projet.
VERS UNE STRATÉGIE ÉNERGÉTIQUE ?
La présidente et directrice générale de la Chambre de commerce de la MRC de Rivière-du-Loup, Claudette Migneault, estime que le retour à l’avant-scène de projets comme Énergie Est et GNL Québec représente une occasion de réfléchir à une stratégie énergétique pour le Bas-Saint-Laurent.
«Pendant la pandémie. Nous avons beaucoup entendu parler d’autonomie alimentaire, d’autonomie énergétique. On a vu, à l’époque, des chaines d’approvisionnements canadiennes s’arrêter. Mais avec la reprise des activités, avec un retour à la normalité, on a mis ça de côté un peu. Je crois qu’il est temps d’y revenir.» Claudette Migneault reconnaît que l’imposition, ou du moins les menaces d’imposition, de tarifs douaniers par les États-Unis crée une instabilité économique qui alimente certaines réflexions. Le sondage de SOM en est une illustration. «Ces éléments devront faire partie de notre réflexion stratégique sur l’avenir énergétique de la région.»
La PDG rappelle que les changements climatiques ont des répercussions, y compris sur le milieu entrepreneurial. «On doit rapidement se tourner tout en étant confrontés à d’autres enjeux majeurs. On doit donc bien analyser la situation, surtout dans un contexte où on est appelé à revoir tout notre volet énergétique.»
Si elle souligne que des analyses plus approfondies seront menées au cours des prochains mois, elle précise qu’elles devront s’inscrire dans une vision plus globale, notamment en lien avec l’Alliance de l’énergie de l’Est. Ce regroupement de 209 collectivités, de la MRC de Montmagny aux Îles-de-la-Madeleine, mise sur le développement de projets de production d’électricité à partir de diverses sources d’énergies renouvelables.