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Il y a plusieurs semaines, Rima Elkouri a publié un texte où elle rapporte les propos de l’historien israélien Yuval Noah Harari dans le magazine Time : « La plupart des Israéliens sont psychologiquement incapables, en ce moment, de faire preuve d’empathie à l’égard des Palestiniens. Notre esprit est rempli à ras bord de notre propre douleur, et il ne reste aucun espace pour ne serait-ce que reconnaître la douleur des autres. […] La plupart des Palestiniens se trouvent dans une situation analogue : leurs esprits sont eux aussi tellement remplis de douleur qu’ils ne peuvent pas voir la nôtre. »

« Cela dit, les « témoins étrangers », ceux qui ont le privilège de vivre en paix, à l’abri de cette douleur, n’ont pas d’excuse pour l’empathie sélective, ajoute l’auteur. « [Ils] devraient s’efforcer d’éprouver de l’empathie pour tous les êtres humains qui souffrent, au lieu de ne regarder paresseusement qu’une partie de la terrible réalité. »

Et Rima Elkouri de conclure : « C’est donc à eux – à nous – de travailler à maintenir un couloir humanitaire de paix et à lutter contre le dérèglement empathique. » (1)

Des crimes contre la dignité humaine

Le 7 octobre dernier, le Hamas a tué plus d’un millier de victimes innocentes et a pris en otage des centaines d’autres. Sous les ordres du gouvernement de Netanyahou, l’armée israélienne a depuis ce temps fait des dizaines de milliers de victimes innocentes chez les habitants de la bande de Gaza, notamment parmi les femmes et les enfants. Il faudrait probablement plusieurs billets comme celui-ci pour essayer de comprendre les motivations de chacun des camps. Crimes de guerre ? Crime contre l’humanité ? Cela va prendre encore longtemps avant qu’un tribunal quelconque, si cela arrive, se prononce sur ces questions.

Empathie ou antisémitisme et islamophobie.

De notre part, nous qui sommes des spectateurs et spectatrices de cette immense tragédie, qui ne vivons pas la grande douleur de ces événements, nous pourrions attendre de l’empathie à l’égard de toutes ces victimes qu’elles soient israéliennes ou palestiniennes.

Dans un récent communiqué, la Ligue des droits et libertés du Québec dénonce que : « Depuis octobre 2023, les crimes et propos haineux antisémites et islamophobes contre des personnes et des lieux, tels que des lieux de culte et des écoles juives, se sont multipliés. Des membres de communautés musulmanes et des personnes sympathisantes à la cause palestinienne ont aussi fait face à des insultes ou à des menaces concernant leurs études ou leur emploi. De telles situations sont inacceptables, doivent être dénoncées et placent les membres des communautés juives et musulmanes dans une situation d’insécurité accrue. » (2)

Je sais très bien que certains ont tendance à abuser de l’accusation d’antisémitisme comme c’est le cas avec l’actuel gouvernement israélien qui traite d’antisémite tout discours critique à l’égard de ses politiques. Mais l’antisémitisme n’en est pas moins une triste réalité et on peut comprendre des membres de la communauté juive d’avoir peur face aux actes de violences et de vandalismes à l’égard de leurs institutions.

« Dans les grandes villes du monde, on observe une hausse des incidents et crimes haineux envers les communautés juives et musulmanes. Montréal n’y fait pas exception : entre le 7 et le 20 octobre, les services policiers de la métropole ont recensé pas moins de 36 de ces événements. À la tristesse et l’inquiétude qu’éprouvent les membres de ces communautés depuis un mois s’ajoute donc la crainte d’être personnellement menacé ou attaqué, même si ces gens vivent à des milliers de kilomètres de Jérusalem et n’ont rien à voir avec le drame actuel.! » (3)

Comme il est aussi légitime de dénoncer les politiques israéliennes dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. Sans les justifier, ces politiques expliquent en grande partie la violence du Hamas. C’est malheureux, mais inévitable : qui sème le désespoir récolte la colère. Et cette colère est aveugle et fait d’innocentes victimes.

Nous ne pouvons pas faire tomber sur la tête des tous les juifs, ni même de tous les Israéliens la responsabilité des actes du gouvernement de Benyamin Netanyahou et de l’armée israélienne. Pas plus que nous ne pouvons rendre responsable tous les Palestiniens ou tous les musulmans des actes du Hamas.

Alors pourquoi tant de haine et de mépris ? L’ignorance, la peur, les préjugés, la propagande, les fausses informations, l’idéologie, etc. Face au défi que représente la paix, on a l’impression d’être dans la peau de David face à Goliath. Nous avons au moins le devoir de ne pas alimenter cette haine et ce mépris. Nous avons le devoir de promouvoir une paix qui s’appuie sur une solution juste, notamment pour le peuple palestinien. Pour nous, l’empathie sélective ne devrait pas être une option.

1. - Rima Elkouri, Le dérèglement emphatique, La Presse, 17 novembre 2023.
2. - La Ligue des droits et libertés préoccupée par l’augmentation des actes antisémites et islamophobes
3. - Claudine Saint-Germain, Garder la paix, L’Actualité, 1^er novembre 2023