Révise ta biologie
Pierre Jobin
« Révise ta biologie ». C'est le conseil avisé que m’ont gracieusement donné plusieurs interlocuteurs sur un réseau social très connu. Et ensuite d'ajouter " chromosome XX = femme et chromosome XY = homme. Et le tout à l’occasion de diverses conversations à propos de la boxeuse algérienne Imane Khelif. Cette petite formule à propos des chromosomes mâles et femelles semble à beaucoup de personnes une évidence. C’est du moins ce que je me rappelle vaguement de mes cours de biologie qui remontent à plus d’une cinquantaine d’années.
L’être humain est composé de 46 chromosomes, dont 23 sont fournis par la mère et 23 par le père. Les chromosomes sexuels X et Y définissent ainsi le sexe. La mère fournissant nécessairement un X dans l’opération et le père soit un X, soit un Y. C’est donc le spermatozoïde qui va déterminer le sexe de l’enfant. Jusque-là, tout est facile à comprendre. C’est ce qui amène un grand nombre de personnes, sur la base d’un prétendu test génétique sur la boxeuse Imabe Khelif qui révélerait qu’elle serait porteuse des chromosomes XY, à prétendre qu’elle serait dans les faits un homme. La polémique sur le sexe de la boxeuse ayant été alimentée à un très haut niveau par des célébrités comme J.K Rowling et Élon Musk et par des politiciens de la droite conservatrice comme Donald Trump, Viktor Orban et Giorgia Meloni. À ce stade de mes connaissances en biologie, j’aurais dû me joindre à la foule, sinon à la meute, qui déferlait sur les réseaux sociaux pour dénoncer le fait que le CIO permettait à un homme de combattre dans le ring contre des femmes.
Mais on m’invitait à réviser ma biologie et comme pour beaucoup, j’en avais grandement besoin. Depuis mon cours du secondaire en biologie, la science a fait de nombreuses découvertes et devrait encore en faire beaucoup. Le plus marquante dans toute cette saga est la découverte en 1985 du gène SRY situé sur le chromosome Y. Ce petit gène est en grande partie responsable de la différentiation sexuelle. C’est ce minuscule gène qui va fournir les informations nécessaires afin que l’organisme développe des organes masculins.
Or il arrive, quoique très rarement, que le gène SRY ne fonctionne pas. Cette « qui inactive le gène SRY chez un embryon masculin XY conduit à une . À l’inverse, la très rare du gène SRY chez un embryon XX conduit à un phénotype masculin malgré le féminin. » (1)
Du côté des femmes, on entend parler assez souvent du syndrome de Swyer. Il y a des hommes avec les chromosomes XXY et des femmes avec des chromosomes XXY mais sans SRY. Mais je vous ferai grâce de toutes les variantes que ce jeu de chromosomes et de gènes peut produire.
Bref, même s’il s’avérait qu’Imane Khelif ait les chromosomes XY et qu’elle vive effectivement avec le syndrome de Swyer, elle serait née femme, aurait été élevée comme une femme et se serait développée comme une femme. Elle pourrait même porter un enfant en ayant recours à la fécondation in vitro. Car il semblerait que les femmes ayant le syndrome de Swyer ont des problèmes au niveau des ovaires.
Il y aurait probablement tout un livre à écrire sur cette polémique olympique. Il faudrait faire l’analyse des intérêts nationaux, du conflit entre le CIO et la fédération internationale de boxe (IBO), du militantisme anti-trans, de l’influence de la Russie, etc.
Il y a encore beaucoup de questions sur laquelle il n’y a pas encore de consensus scientifique, notamment le rôle de la testostérone chez les femmes androgènes dans le sport. La science vient souvent ébranler le socle de nos certitudes.
Mais ce qui m’a le plus marqué dans cette polémique est le nombre de personnes qui s’asseyait confortablement sur des connaissances biologiques dépassées tout en conseillant aux autres de réviser leur biologie. Et qu’une fois mise devant les récentes découvertes de la science, ces mêmes personnes essayaient encore de trouver une façon de défendre leur opinion même si elle était basée sur de fausses prémices.
Pour en savoir un peu plus :
La réversion sexuelle: une anomalie qui demeure mystérieuse :
Chromosomes de femmes, corps d'hommes, Agence Science-Presse :
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