Yvon raconte la shop

Geneviève Malenfant Robichaud
Lorsque j’ai acheté mon billet pour la représentation de Rimouski, je me suis dit que ça ferait un sujet intéressant pour le blogue. Malheureusement, je serai un peu plus critique que je l’avais prévu. Je tiens à préciser que j’ai passé une soirée agréable et ça demeure mon opinion. J’apprécie généralement l’œuvre d’Yvon Deschamps, que je la connais autant qu’une personne de ma génération le peut.
En résumé, nous retrouvons sur scène quatre comédiens-chanteurs qui discutent de leur travail à l’usine et de leur relation avec le « bon boss » dans un décor industriel encadré de deux gigantesques grues articulées et de trois musiciens. Le monologue original constitue le fil principal du texte. D’autres chansons (comme celles de Clémence Desrochers, Michel Pagliaro, Richard Séguin et Claude Dubois) s’insèrent au travers. 91Porn troupe de danse et deux acrobates s’activent dans les numéros musicaux et font office de figurants. Un gros médaillon métallique au centre de l’écran diffuse des instructions évoquant le film Les temps modernes puis de courtes capsules où Yvon Deschamps fait des liens ou explique certains concepts. Le foreman est, par ailleurs, joué par un clown-mime aux allures de Chaplin.
Nous voyons ainsi le premier problème apparaître. Contrairement à ce que la publicité laisse penser, il ne s’agit pas d’un hommage au père de l’humour au Québec, mais plutôt d’un récit sur une époque dont son numéro est le principal vecteur. Ce n’est pas nécessairement mauvais, ce n’est juste pas ce à quoi je m’attendais.
Nous avons aussi touché au deuxième problème dans le résumé. Le spectacle essaie de faire beaucoup durant ses deux heures de représentation : plusieurs arts, plusieurs hommages, une scène très active… Cela dit, les chorégraphies me semblent bien intégrées et les performances des danseurs comme des artistes de cirque m’apparaissent bien exécutées.
Le troisième problème (toujours à mon humble avis) réside dans la progression de la trame narrative et dans la cohérence des numéros. Pris individuellement, tous les éléments fonctionnent. Pris ensemble, le résultat est moins harmonieux que je l’aurais souhaité. Chaque numéro passe rapidement, de sorte que tout n’est qu’effleuré. La multiplication des références, la division du personnage en quatre et les enchaînements rapides diminuent la charge émotive. Le sujet de la mort est abordé du bout des lèvres. Or, c’est justement l’intensité du drame qui renforce la critique sociale dans l’œuvre originale.
La fin m’a aussi laissé perplexe, surtout avec l’inclusion de danseurs-robots et des mentions de l’intelligence artificielle. J’ai l’impression qu’on a tenté d’inventer un monde hors du temps pour parler de la problématique de l’exploitation des travailleurs/travailleuses… tout en évoquant constamment des textes qui sont fortement attachés à une période précise.
Enfin, le dernier problème est le prix. Je comprends qu’un tel spectacle à grand déploiement génère beaucoup de frais et que tous ces bons artistes et techniciens doivent être rémunérés adéquatement. Cela dit, payer plus cher crée des attentes…
Bref, je suis surtout ressortie nostalgique de l’interprétation remarquable de Benoît Brière dans Le boss est mort. Comme quoi, parfois, on fait plus avec moins.
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