Bye Bye... la télé
François Drouin
Mon adolescence a été marquée par la télé. Celle qui enterre les discussions pendant le souper, celle qu'on entend avant de glisser dans les bras de Morphée la nuit venue. La télé, le souvenir que j'en conserve, est une machine à bruits. De Claude Saucier (Télé Service) à Radio Québec à Bernard Derome et le Téléjournal, le silence était avant tout une question d'imagination. Mon père, qui souffre de surdité industrielle, mettait le volume toujours trop fort.
En grandissant, je me suis aussi aperçu qu'elle était une sorte de puits sans fond, un peu comme le sont les médias sociaux d'aujourd'hui, chronophages.
J'en suis devenu allergique, presque intolérant.
À la maison, sur trois étages, il n'y a que deux télés, toutes deux au sous-sol. La première se trouve dans le salon familial qui se veut surtout une salle d'écoute de musique et de lecture, la seconde dans la salle de jeux des enfants où trônent les consoles de jeux, le baby-foot et cie. 91Porn seule est équipée d'un forfait, de base évidemment. Les enfants préfèrent Netflix, Disney+ et Amazon Prime.
Dans le même ordre d'idée, j'ai toujours préféré Noël au jour de l'An. Noël, c'était les jeux en famille, les cadeaux, le «snack» de 1 h du matin, la musique. Le jour de l'An, c'était la famille devant la télé et le Bye-Bye avant même que Dominique Michel ne pense à la retraite (je suis vieux à ce point).
J'ai retrouvé le Bye-Bye chez ma belle-famille. La fête s'interrompait, toute la famille se cordait dans le salon et pendant 60 ou 90 minutes, les discussions cessaient. On riait, pas tous en même temps, souvent en fonction de nos orientations politiques. Et puis, la fête s'essoufflait.
Je n'ai jamais compris ce besoin de s'assoir devant la télé pendant une célébration.
Quand mon amoureuse et moi avons acheté notre maison, j'ai demandé à ce qu'il n'y ait aucune télé au rez-de-chaussée. Ni dans la cuisine, ni dans la salle à diner, ni dans le bureau. Mais dans chacune de ces pièces, j'ai installé un haut-parleur sans fil. De la musique, oui, beaucoup.
Même chose au deuxième, aucune télé dans les chambres.
Je n'aime pas la télé. Je trouve les téléromans souvent idiots, mal ficelés, surjoués, ennuyants. Je préfère le jazz, ou sculpter dans mon atelier, ou lire, ou mieux encore, discuter avec l'amoureuse et les enfants.
Je n'ai pas écouté le Bye-Bye depuis... 2015 peut-être.
Bref, cette année, plutôt que d'être à Montréal au spectacle du Vieux-Port ou au camp dans le bois (sans électricité, ni réseau), nous étions à la maison avec la belle-famille. Le Bye-Bye s'est un peu imposé de lui-même. J'ai ri à quelques moments, mais pour certains sketchs, je n'avais aucune idée des référents. Ce que je retiens, c'est que le divan nous a happés, nous n'en sommes sortis que pour aller dormir. Dommage.
Fun fact, nous n'avions pas ouvert la télé depuis des mois et on ne se rappelait plus comment syntoniser ICI Radio-Canada.
Je ne crois pas avoir ouvert la télé une seule fois en 2023. J'écoute actuellement la série Reacher d'Amazon Prime sur... mon cellulaire (parce qu'il y a l'option d'avance rapide de trente secondes).
C'est le lendemain, quand j'ai réalisé que plusieurs personnes ont écouté En direct de l'univers, puis le spécial fin d'année d'Infoman et finalement le Bye-Bye que j'ai eu le vertige. Pas de feu de camp? Pas de jeu, pas de discussions à bâtons rompus? De la télé mur à mur? Ou en bruit de fond.
Ça happe donc bien une foutue télé !?!
Je vous laisse, je vais mettre un vinyle d'Art Blakey et je sors mes couteaux à bois.
Pour 2024, je vous souhaite moins de télé, plus de famille, de sorties, de randonnées, de sports, de jeux, de discussions, de cuissons sur feu de bois, de livres à dévorer. Moins de Facebook et de TikTok.
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