Niaiseries
Pierre Sénéchal
Le quotidien tel qu’il se présente à nous comporte son lot d’inconforts, d’agacements et de tracas qui ne peuvent être considérés comme de vrais problèmes. Par contre, lorsqu’ils s’accumulent et s’agglutinent sur vous tels des chardons belliqueux ils peuvent finir par saboter ce qui s’annonçait comme la plus radieuse des journées. En fait, par définition, le mot niaiserie tire sa source du mot niais dont la simplicité et l’inexpérience peuvent conduire à des gestes, des actions ou des paroles empreintes d’un manque flagrant d’intelligence et de jugement : Ce que l’on désigne habituellement comme de la bêtise humaine, dans sa déclinaison la plus banale.
Agacement
Du vaste domaine des niaiseries, l’incivilité à la petite journée est très certainement ce qui m’achale le plus. Rien de grave vous remarquez, mais toujours ce manque de politesse, de gentillesse et de considération pour l’autre, facilement observable un peu partout ou l’on dépose sa présence ici et là dans les espaces communs.
Ces petits détails, en apparence insignifiants, trop facilement observables quand on s’en donne la peine (c’est le cas de le dire). Les gens ne se sourient plus, refusant un simple contact visuel ouvert lorsqu’ils se croisent. L’absence de gratitude et de réciprocité des clients à l’endroit des employés et des prestataires de services est sidérante. Et surtout le manque chronique de bienveillance en société par distraction, indifférence ou pire, par lâcheté. Cette accumulation d’incommunications et d’incivilités démontre non seulement un désintéressement des autres, mais surtout une manifestation obscène d’égoïsme et d’égocentrisme.
Mais bon tout ça ce sont des niaiseries, des trucs sans importance. Les É.-U. sont à trois semaines d’élire un imbécile criminel, 60 000 civils dont près de 20 000 enfants sont morts à Gaza depuis un an, mais tout cela n’a aucune importance. Le Québécois moyen, lui, il veut son rabais de trois cennes le litre chez Ultramar, il ne veut pas payer d’impôts, mais il exige la Cadillac en santé, en éducation pis tient donc, priorité d’ordre nationale, le Québec exige que Nick Suzuki, capitaine du Canadien, parle en français. Non, mais, c’est-tu assez niaiseux ?
Niais
On dit de celui qui est niais qu’il cherche tout naturellement à complexifier les choses simples pour éviter de s’intéresser aux choses complexes. C’est, parait-il, extrêmement rassurant de se préoccuper d’un paquet de niaiseries. Avec le temps cette forme de lâcheté peut altérer de façon irréversible l’équilibre et la personnalité d’un individu qui en viennent à ne penser qu’à son nombril vampirisant sans aucun scrupule les gens de son entourage au passage.
André Gide disait «S’emparer de ce qui ne peut se défendre c’est de la lâcheté» appelant bien sûr à se méfier de ces personnages qui prennent beaucoup trop et donnent si peu. Car depuis toujours le niais dans ses paroles et ses actions, empreintes d’une fausse candeur, suivra le seul sentier qu’il connait, celui qui mène directement à son nombril, son petit «moi, moi, moi».
Courage
Ce monde est décidément de plus en plus étrange et je peine à m’y retrouver. Le processus de déshumanisation qui est en cours me désespère et je repense souvent au titre du premier album solo de Richard Desjardins «les derniers humains». Et si ce bougre d’homme avait finalement raison ? Sommes-nous les derniers de notre espèce ?
Témoin de ce dernier acte, face à cette majestueuse et tragique extinction de l’humanité, aurons-nous la décence de sourire aux gens qui croiseront notre chemin ? Aurons-nous la force de redoubler de gentillesse avec les gens qui le méritent ? Et surtout, trouverons-nous le courage de combattre la lâcheté dans toutes ses déclinaisons et surtout, celle qui se love en chacun de nous, n’attendant qu’une petite niaiserie pour se manifester.
«L’impertinence vaut mieux qu’une politesse qui a pour origine la lâcheté» - Jacques Nteka Bokolo
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